A Paris, le cabaret du Chat Noir organisa des spectacles d’ombres pendant presque onze ans. L’« inauguration des ombres japonaises » fut annoncée le 26 juin 1886 dans la revue. Le théâtre d’ombres était pourtant en activité depuis déjà quelque temps car la même annonce précisait que L’Eléphant en était à sa 195ème représentation. Jusqu’à la mort du fondateur du cabaret, Rodolphe Salis, en mars 1897, le théâtre du Chat Noir, techniquement conçu par le peintre-décorateur Henri Rivière, présenta presque une quarantaine de pièces. A l’instar
des cafés concerts, puis comme le feront d’autres établissements de variétés et les music-halls, le Chat Noir offrait des soirées éclectiques où s’alternaient des pièces aux registres et aux formats variés : « outre la pièce principale, chaque spectacle comprenait de
petits levers de rideau, de jolies fantaisies, en trois ou quatre tableaux » (mémoires de Henri Rivière). Le répertoire du Chat Noir comprenait schématiquement trois types de pièces : des pièces chantées, souvent longues, épiques ou lyriques ; des pièces bonimentées, plus
brèves, satiriques et comiques ; et des pièces probablement récitées, dont les textes souvent saturés de références et d’ironie ont été publiés.

Clairs de lune, dont Georges Fragerolle a signé le texte et la musique, et Henri Rivière les décors, est une des pièces lyriques du Chat Noir. L'accueil critique fut très favorable. René Benoist dans la Gazette nationale ou le Moniteur universel (21 décembre 1896) écrivait : « Les six tableaux de la féerie Clairs de lune, du magicien Henri Rivière, sont des poèmes, même sans le texte et la musique de Georges Fragerolle, qui les commente de sa voix chaude. Jamais l'incomparable artiste ne joua de la lumière et des nuances avec plus de sérénité qu'en ces six visions différentes de la nature argentée ou embrasée par la lune, l'astre qui a vu tant d'étreintes, tant de mensonges, tant de crimes... »

La nuit tombe et la lune paraît. Les bois bruissent de murmurent. Sur les monts, les pâtres marchent en chantant la venue du printemps pendant que les aigles et les vautours guettent. Dans la ville fortifiée, on craint les conflits futurs en voyant paraître la lune rouge tandis que, sur les remparts, la sentinelle doit veiller. Dans la plaine, les amoureux discutent au clair de lune, avant de repartir deux par deux. En mer, la lune sauve des matelots de la tempête en leur indiquant la route à suivre. Les vœux de tous les hommes montent au ciel avec les anges. La lune atteint son zénith.