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El maleficio de la mariposa
El maleficio de la mariposa (Le Maléfice de la phalène) est l’adaptation d’une composition poétique que Federico García Lorca récita en juin 1919, à Grenade, lors d’un banquet auquel avaient été conviés Gregorio Martínez Sierra, le directeur du théâtre Eslava à Madrid, et sa première actrice Catalina Bárcena. Tombé sous le charme de cette fable contant le destin tragique d’un cafard amoureux d’un papillon aux ailes brisées, Martínez Sierra demanda au poète d’en faire un drame qui serait joué au théâtre Eslava et il semble qu’il en ait lui-même choisi le titre. Montée avec des décors de Fernando Mignoni, des costumes de Rafael Barradas et des danses de la Argentinita, qui interprétait le rôle du papillon, la première représentation fit scandale et provoqua un tel chahut que la pièce ne tint l’affiche que quatre jours, du 22 au 25 mars 1920. La présence sur scène d’acteurs déguisés en insectes, exprimant leurs préoccupations métaphysiques et sentimentales, tomba dans le ridicule.
Très lyrique et fortement influencé par le théâtre symboliste, le texte se prête mal à la scène, ce que certains critiques ont imputé à l’inexpérience du jeune dramaturge. Mais il faut le resituer dans l’ensemble des œuvres dramatiques imaginées par Lorca dans les années 1918-1922. Les sources auxquelles il puise sont, d’une part, l’auto sacramental et, d’autre part, le théâtre de marionnettes, c’est-à-dire des formes théâtrales qui accordent une place primordiale au symbole, à l’allégorie et à la métaphore. Lorca, sans l’ombre d’un doute, a imaginé sa pièce pour l’espace réduit d’un castelet : semé de marguerites gigantesques, peuplé de personnages insectes, le décor décrit dans la didascalie qui introduit le deuxième acte est qualifié de teatrito (petit théâtre), ce qui évoque de façon explicite le théâtre de marionnettes. Mais, sous l’influence très probable des Ballets russes, Gregorio Martínez Sierra tenait à représenter la pièce de Lorca sous la forme d'une sorte de ballet. Dans une lettre adressée à Lorca en janvier 1920, il écrit : « Voilà, j’ai décidé de monter très prochainement L’Infime comédie (titre initialement donné à la pièce par Lorca), non pas avec des marionnettes mais dans les règles de l’art. C’est-à-dire avec des acteurs déguisés en petits animaux. Barradas a déjà préparé les ébauches et demain il fera essayer les costumes qui sont déjà prêts. » Il semble que Lorca ait beaucoup insisté pour remplacer les comédiens par de vraies marionnettes et la grande scène de l’Eslava par un castelet, mais Martínez Sierra persista dans son idée.
La traduction du titre appelle une précision. En français, la traduction la plus exacte du mot mariposa est 'papillon'. Mais mariposa étant un mot féminin, le terme féminin 'phalène' a été privilégié.
Le protagoniste tombe amoureux d'un être inaccessible
Au cœur d’une prairie fleurie vit une petite colonie de cafards. Doña Curiana (Dame Cafarde) se désole : son fils, Curianito el Nene (Cafardet junior) est un poète rêveur, perdu dans la contemplation des étoiles. Contre la volonté de sa mère, qui pourtant insiste, il refuse de se marier avec la coquette Curianita Silvia (Sylvie la Cafardette). Curianito ne l’aime pas ; il attend un Amour idéal, un rêve « accroché à l’étoile qui semble être une fleur ». Soudain, Alacrancito el Cortamimbres (Tranche-Osier le Scorpion), un vieux bûcheron ivrogne, surgit et menace de tous les dévorer. C’est alors qu’apparaît un groupe de Cafardes campagnardes portant un papillon blanc à l’aile brisée: la Mariposa (Phalène). La Curiana Nigromántica (Cafarde Nécromancienne) soigne les blessures de la Phalène et charge doña Curiana de l’accueillir chez elle et de veiller sur elle. Curianito tombe éperdument amoureux de la Phalène qui s’éveille lors d’une nuit de pleine lune, commence à battre des ailes et à danser, sans prêter attention aux déclarations enflammées de Curianito, désespéré. La pièce, qui nous est parvenue incomplète, s’interrompt à ce moment et s’achève par un cortège funèbre qui emporte le corps sans vie de Curianito.
Première représentation
Teatro Eslava, mise en scène Gregorio Martínez Sierra
Éditions et traductions
Federico García Lorca, Obras completas. Madrid : Aguilar, 1954
Federico García Lorca, Teatro completo. Barcelona : Galaxia Gutenberg, 2016
Federico García Lorca, Œuvres complètes, trad. André Belamich, vol. 2. Paris: Gallimard, 1990.
(Français)Federico García Lorca, The Butterfly's Evil Spell, in Five Plays: Comedies and Tragi-Comedies. Trans. James Graham-Lujan and Richard L. O'Connell. London: Penguin, 1970.
(Anglais)