Quand il ouvre au public en 1907 son théâtre d’ombres dans le quartier artistique de Schwabing, Alexander von Bernus veut proposer une nouvelle forme d’art dont il revendique la filiation romantique et qui, distincte des spectacles du Chat Noir à Paris, exploiterait davantage l’immatérialité de l’ombre pour s’aventurer sur les terres de l’âme et du rêve. Le mysticisme prégnant dans les cercles intellectuels et artistiques munichois au début du 20e
siècle n’est pas étranger à ce projet visant « l'union la plus métaphysique de l'image, de la poésie et de la musique ».

La pièce Liebe pourrait correspondre à une autre pièce de Paula Rösler annoncée sous le titre Im Zwischenreich dans plusieurs feuillets de présentation des Schwabinger Schattenspiele. Mais il ne reste aucune silhouette ni aucun décor susceptibles d’attester de sa représentation et le texte est resté inédit.

Au fond de la mer, la jeune fille défunte regrette son bonheur sur terre. Dans un jardin surgi du passé, on la voit dire au jeune roi le lien qui unit son âme à la sienne et son espoir de le retrouver un jour, malgré la nécessité pour le jeune roi de retourner dans son royaume auprès de sa reine. Désormais défunte, en suspend dans les fonds marins, la jeune fille attend... Deux ombres évoquent leur vie sur terre, leur culpabilité et attendent le Salut. A la surface, un soir, le jeune roi passe sur un bateau. Il évoque des voix entendues autrefois alors qu’il faisait pousser des fleurs au bord des fontaines de son parc. Il a le sentiment d’avoir perdu quelque chose et d’entendre des pleurs depuis les profondeurs. Sous l’eau, la jeune fille loue la voix du jeune roi, sa lumière et son visage transfiguré. A l’aube, le jeune roi repart, apaisé, certain que son amour trouvera ce qu’il cherche par-delà les frontières entre la vie et la mort.