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It is too much
It is too much (C'en est trop) est l'un des intermèdes du vaste cycle du Drama for Fools (Le Théâtre des fous) qui occupe intensément Craig en 1916-1918, et qui devait compter 365 courtes pièces à jouer comme un spectacle itinérant, du 1er avril au 31 mars, chaque soir une nouvelle pièce dans un nouveau lieu. S'il s'est interrompu avant d'achever ce cycle et s'il a renoncé à le représenter lui-même, Craig, qui signe ses pièces du pseudonyme de Tom Fool, a conservé ses ébauches sous la forme d'une collection de cahiers dactylographiés, aux couvertures calligraphiées dans différentes couleurs et richement illustrés, dans trois coffrets cartonnés. Très attaché à ces cahiers, il les a repris, corrigés, enrichis jusque dans les années 1950. Cette collection est aujourd'hui la propriété de l'Institut International de la Marionnette (Charleville-Mézières).
Cet intermède reprend l'un des thèmes favoris de Craig dans son projet du Drama for Fools: l'hypocrisie, et plus particulièrement la critique pudibonde de la liberté des moeurs des poètes et des artistes. Grand séducteur, père d'une douzaine d'enfants conçus avec six femmes, il a pensé un instant faire commencer son grand cycle dramatique pour marionnettes par une évocation de Lord Byron, aux multiples aventures amoureuses. Le texte de l'intermède est précédé de sept épigraphes: des extraits de lettres qui jouent avec les accusations de débauche, de Shelley contre Woodsworth, de Shelley au sujet de Byron, de Godwin au sujet de Shelley, de Shelley au sujet de Michel-Ange, ou de Harriet Shelley au sujet de son mari.
Sur l'un des manuscrits de la pièce (Ms A 52, BnF), Craig indique en marge d'un dessin qu'il a pris modèle, pour son personnage, sur un vieux prêtre de Marina di Pisa.
Des hommes s'indignent de l'immoralité des autres tout en cachant la leur
Un Prêtre, dont le visage ressemble à ceux peints par Fra Angelico, sort de sa maison, souriant à la vie. Entendant les bruits de la ville moderne et de l'industrie, il change de tête et déguise sa voix pour correspondre mieux à l'image attendue d'un homme de religion. Il voit un Soldat et lui reproche d'avoir une maîtresse. Le Soldat lui apprend que l'Avocat vit avec la sienne. L'Avocat arrive et leur fait part de sa désapprobation à l'égard du Marchand qui commet ouvertement l'adultère avec la femme du Docteur. Le Marchand vient à son tour dénoncer la liaison du Docteur avec la femme de l'Acteur, ainsi que l'amitié de la femme de l'Acteur avec la femme du Docteur, et l'amour de la fille du Docteur pour l'Acteur. Chacune de ces révélations est ponctuée de l'exclamation "C'en est trop!" par les personnages présents, et précédée par un changement de tête qui souligne l'hypocrisie de leurs indignations.
Le Docteur et l'Acteur arrivent ensemble, et le Docteur annonce que toutes les femmes du village sont folles d'amour pour le Poète. Tous courent chez eux pour trouver leurs épouses. Le Prêtre reste seul et demande à sa servante Mary, qu'on devine être sa compagne, de préparer la table pour recevoir le Poète qui vient déjeuner avec eux, accompagné de toutes ses épouses et de tous les enfants qu'il a eus avec elles. La pièce s'achève par l'entrée de ces derniers, par une porte qui s'ouvre dans le ciel, sous une pluie de pétales de roses.
Éditions et traductions
Edward Gordon Craig, The Drama for Fools / Le Théâtre des fous. Montpellier: L'Entretemps, 2012.
Edward Gordon Craig, The Drama for Fools / Le Théâtre des fous. Montpellier: L'Entretemps, 2012.
(Français)