Imprimé
51 pages
Le Trèfle à quatre feuilles
Au cours de la décennie 1890, les artistes du Théâtre du Chat Noir font régulièrement des tournées à Bruxelles. Après sa disparition, des imitateurs reprennent la dénomination pour attirer le public. Des chansonniers et des artistes de Paris viennent se produire dans les cabarets bruxellois qui fleurissent à la fin du siècle. Ouvert en décembre 1895, le cabaret du Diable au corps parvient à se distinguer grâce à une revue et des spectacles de qualité. Le succès conduit la compagnie à organiser des tournées et à chercher des locaux plus vastes. L’établissement de la rue aux Choux accueille alors d’autres compagnies dans son théâtre qui, de janvier à mars 1898, est sous la direction de Jean Goudezki (ancien habitué du Chat Noir) mais il souffre d’une forte concurrence : on joue désormais des pièces d’ombres presque chaque soir de semaine au Diable au corps, au Théâtre des Phalènes et à la Maison de l’Étoile.
Le Trèfle à quatre feuilles, curiosité unique dans l’œuvre du compositeur et organiste Valentin Neuville et celle de son ami poète Eugène Vial, s’inscrit dans cette vogue. Formé au conservatoire de Bruxelles, Valentin Neuville découvre probablement le cabaret et son théâtre d’ombres à cette époque. L’univers poétique et musical qu’ils créent dans cette pièce et dans d’autres collaborations (comme la Prose des mortes) est empreint d’un lyrisme retenu et d’un langage simple, dont les images raffinées, les lieux, les personnages évoquent les contes et les légendes, les poèmes mélancoliques et les rêveries symbolistes.
Une jeune fille sacrifie sa liberté au nom de l'amour
Alors qu'il chasse avec ses hommes, un roi croise le chemin d'une caravane venue de Bohême. Il invite les bateleurs à le divertir le soir-même dans son palais. Ébloui par la danse d'une des jeunes bohémiennes, le roi tombe amoureux et, durant les dix jours où il héberge la troupe, lui donne rendez-vous la nuit. Un matin, désireuse de retrouver la liberté des chemins, la jeune fille s'en va. Désespéré et jaloux des amants qui interrogent l'oracle des fleurs sous sa fenêtre, le roi, dans un accès de colère, dicte un arrêt qui bannit l'amour de son royaume. Des soldats guettent les amants qui continuent à se voir en cachette. La végétation se flétrit. Le peuple révolté est sur le point d'assaillir le palais quand la jeune bohémienne survient. Sa danse et son retour empêchent le massacre. Acclamée, elle épouse le roi et permet aux amants de s'aimer au grand jour. Les trèfles à quatre feuilles qui rappellent des temps malheureux sont arrachés. La caravane des bateleurs rentre en Bohème, laissant la jeune danseuse que la pompe royale oppresse déjà...
Première représentation
Théâtre du Diable au corps
Éditions et traductions
Eugène Vial, Valentin Neuville, Le Trèfle à quatre feuilles, Paris, Alphonse Leduc, 1898.