Imprimé
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Auteur(s)
Masken
Quand il ouvre au public en 1907 son théâtre d’ombres dans le quartier artistique de Schwabing, Alexander von Bernus veut proposer une nouvelle forme d’art dont il revendique la filiation romantique et qui, distincte des spectacles du Chat Noir à Paris, exploiterait davantage l’immatérialité de l’ombre pour s’aventurer sur les terres de l’âme et du rêve. Le mysticisme prégnant dans les cercles intellectuels et artistiques munichois au début du 20e siècle n’est pas étranger à ce projet visant « l'union la plus métaphysique de l'image, de la poésie et de la musique.».
Le Pierrot pâle et mélancolique qui ouvre la pièce est typique de la relecture « fin-de-siècle » du masque de la commedia dell’arte. L’égarement existentiel du personnage ajoute une note shakespearienne qui singularise aussi le personnage de la mariée défunte, proche à la fois de la figure d'Ophélie et de celle de Blanche-neige (dans son cercueil de verre). La richesse des références et des images qui caractérise cette pièce, où le cortège funéraire s’apparente à un défilé de carnaval, nourrit les questionnements autour de l’amour et de la mort, très présents dans le répertoire des Schwabinger Schattenspiele. Le personnage de la Mort est inspiré d'une chanson traditionnelle, Der Tod von Basel, dans laquelle un jeune homme épouse une très vieille femme pour son argent, puis demande à la Mort de le débarrasser d'elle.
Bien qu'elle soit publiée dans un recueil rassemblant les pièces représentées aux Schwabinger Schattenspiele, Masken n'a peut-être pas été jouée: aucun décor ni aucune silhouette n'est conservé dans les collections du Münchner Stadtmuseum.
Un homme vivant épouse une femme morte
Pierrot égaré exprime son angoisse et son sentiment de n’avoir pas vécu. Alors qu’un cortège funéraire passe, il jette une fleur sur le cercueil de verre où git une mariée vêtue de blanc. Tout autour, des êtres masqués font de la musique et chantent. Leurs couplets annoncent le mariage de l’épouse défunte avec un mystérieux prétendant. Dans la chapelle où le cercueil a été déposé, les noces commencent. Deux demoiselles d’honneur célèbrent l’union de Pierrot et de la blanche mariée. Une danse entre les deux époux s’engage. La Mort scelle solennellement la fusion des deux âmes en une seule flamme. Un chant entonné par tous les êtres masqués clôt la cérémonie.
Éditions et traductions
BERNUS Alexander (von). Sieben Schattenspiele. Munich/Leipzig, Georg Müller, 1910, p.107-115.