
Imprimé
103 pages
Auteur(s)
Ni bleu ni blouse
En 2009, en coopération avec l'association locale Terres de mémoire(s) et de luttes, Jacky Challa, alors directrice de la Scène conventionnée pour les Arts de la marionnette d’Oloron-Sainte-Marie (Béarn, France), passe commande à François Chaffin d'un texte pour marionnettes portant sur le passé industriel d'Oloron-Sainte-Marie, autrefois haut-lieu de l'industrie textile et terre d'accueil de nombreux Républicains espagnols. Début 2010, l'auteur vient animer des ateliers d'écriture avec les habitants, visiter des usines (désaffectées ou encore en activité) et rencontrer d'anciens ouvriers, parfois accompagné de Sylvie Baillon, à qui Jacky Challa a demandé de mettre en scène le texte. Cependant, François Chaffin se détache rapidement de la démarche strictement documentaire au profit de la fiction et de la poétisation de la langue. Plus sensible à la matérialité des objets, aux perceptions sensorielles et aux émotions dont les témoignages sont chargés qu'aux situations sociales ou politiques qu'on lui expose, l'écrivain transpose la vie de l'usine dans une langue qu'il qualifie lui-même volontiers de « baroque ». Très musicale, la langue de la pièce est en effet traversée d'expressions locales, tandis que la caractérisation des personnages use abondamment de métonymies comme La Blouse (de l'ouvrière) et Le Bleu (de travail de l'ouvrier). Malgré les libertés qu'il prend avec les récits de témoignage (ou peut-être précisément à cause de celles-ci), le texte de François Chaffin, d'abord lu en public par l'auteur à la Chapelle d'Oloron-Sainte-Marie en novembre 2010, émeut aux larmes une audience qui, soit découvre, soit se réapproprie cet héritage. Dès 2011, Jean Capdevielle, directeur des éditions Osolasba, est associé au projet tandis qu'une exposition de photographies rend hommage aux lieux et aux personnes rencontrées par François Chaffin. Au final, une sélection de ces photographies est intégrée au livre, contribuant ainsi à organiser le texte édité en 19 segments.
Hommage à la mémoire ouvrière et à la vie dans une ancienne usine textile aujourd'hui disparue
Dans une ancienne usine d'espadrilles fermée depuis des années, des objets, des vêtements de travail et des machines abandonnés s'animent pour évoquer les quarante-cinq ans de vie de l'usine et de ses ouvriers. D'anciens ouvriers, d'anciens patrons, des habitants qui vivaient au rythme de la vie de l'usine se souviennent avec émotion des heures de dur labeur entrecoupées de joie, des piquets de grèves et des luttes syndicales, de la résistance aux fermetures successives d'usine et du chômage. Parmi eux, Jacqueline fait comprendre à son petit fils Ulysse, huit ans, la place que tenait l'usine dans sa vie. L'usine, fermée et laissée longtemps à l'abandon, est finalement démantelée puis démolie. Le jour où le bâtiment est rasé, c'est tout le paysage de la ville qui change, laissant un vide béant pour les habitants. Les enfants de l'école, inquiets et désorientés, s'interrogent sur cette disparition. Le directeur de l'école leur demande alors de dessiner l'usine, telle qu'ils l'ont toujours vue ou bien telle qu'on la leur a racontée, afin de ne pas l'oublier. Ulysse offre son dessin à sa grand-mère Jacqueline pour la consoler : on y voit l'usine grouillante de vie, telle qu'elle l'a connue. C'est ainsi que se transmet cette mémoire ouvrière d'une génération à l'autre.
Première représentation
Création à la Scène conventionnée pour les Arts de la marionnette d’Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques, France). Mise en scène : Sylvie Baillon assistée d'Éric Goulouzelle. Avec : Laetitia Labre, Ludovic Darras et Olivier Sellier. Scénographie : Julien Defaye. Création des marionnettes : Éric Goulouzelle. Création de la musique : Karine Dumont. Création des lumières : Yvan Lombard.
Éditions et traductions
Éditions Osalasba, Goes : 2011.