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40 pages
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Tragicomedia de don Cristóbal y la señá Rosita (Los títeres de Cachiporra)
Si l’on s’en réfère à des lettres et des fragments conservés dans ses archives, Federico García Lorca témoigne dès 1921 de son souhait d’écrire une œuvre autour de don Cristóbal et doña Rosita, les deux personnages emblématiques du théâtre de marionnettes à gaine andalou. Toutefois, comme l’atteste le manuscrit, la Tragicomedia ne commence à prendre forme que pendant l’été 1922. Puis, comme c’est souvent le cas chez Lorca, l’œuvre suit une gestation lente et discontinue, puisque certains tableaux de la pièce semblent dater de 1923-24 tandis que l’étape finale de l’écriture a lieu au cours des années 1930. Sans modifier les principaux aspects de l’œuvre (argument, langage), Lorca simplifie la trame et la structure, et élimine certains personnages. Ces corrections semblent coïncider avec les diverses périodes où il projeta de monter la pièce, notamment en 1924 (avec Gregorio Martínez Sierra), en 1926 (avec Cipriano Rivas Cherif) ou encore en 1932 (avec la compagnie de Margarita Xirgu). En 1935, encore, Lorca passait commande des têtes de marionnettes au sculpteur Ángel Ferrant et déclarait aussi envisager de représenter la pièce dans une version musicale, enrichie de chansons et de danses, projet qu’il avait déjà en 1922. N’ayant pas réussi, à l’époque, à convaincre Manuel de Falla d’y prendre part, pas plus que son ami Adolfo Salazar, c’est au musicien hispano-philippin Federico Elizalde qu’il comptait désormais confier la création de la partie musicale mais ce projet, pas plus que les précédents, ne vit le jour.
La version définitive du texte fut publiée par Juan Guerrero Zamora en 1948-49, d’après une copie que possédait José Franco, l’un des acteurs qui participa à la première mise en scène de la pièce en décembre 1937, non pas avec des marionnettes, mais avec des comédiens.
Toutes ces péripéties sont le signe des difficultés rencontrées par Federico García Lorca, et même auprès de ses amis et collaborateurs les plus proches, pour faire représenter cette pièce malgré ses triomphes au théâtre, au cours des années 1930. Comme c’est le cas de toutes ses œuvres, cette pièce sort des cadres attendus : la comédie se mêle au drame, les personnages de la tradition populaire et du folklore sont associés à un texte à la forte dimension lyrique, et, à l’exception de don Cristóbal, ils sont dotés d’une grande complexité de sentiments.
La pièce est parfois référencée sous le titre Los títeres de Cachiporra: Lorca semble avoir eu l'intention de désigner ainsi un cycle de différentes pièces. La Tragicomedia en aurait été la première.
En France, la pièce est connue en traduction sous le titre Le Guignol au gourdin, le terme de "Guignol" étant alors utilisé comme appellation générique pour désigner le théâtre de marionnettes à gaine (et en aucun cas pour signaler la présence personnage de Guignol).
Une jeune fille est contrainte d'épouser un vieil homme fortuné
Doña Rosita et Cocoliche s’aiment et voudraient se marier. Mais le père de la jeune fille est endetté et décide de la marier à don Cristobita, un vieil ivrogne bossu, ventripotent, violent et lubrique… mais très riche. Désespéré, Cocoliche rejoint un groupe de noctambules et fait la tournée des tavernes pour noyer son chagrin.
À la taverne, tous remarquent la présence d’un personnage mystérieux, enveloppé dans une cape qui dissimule son visage. C’est Currito, l’ex-fiancé de doña Rosita. Parti cinq ans auparavant pour découvrir le monde, il s’est lassé des voyages et veut retourner auprès de sa belle. Mais il apprend qu’elle se marie le lendemain même. Prenant la place de Cansa-Almas, le cordonnier, Currito parvient à entrer chez doña Rosita avec le prétexte de lui livrer ses bottines. Rosita le reconnaît mais elle ne l’aime plus et le rejette, lui reprochant de l’avoir abandonnée. L’arrivée inopinée de don Cristobita l’oblige à cacher Currito dans un placard. Le temps presse : le vieux Cristobita, jaloux et soupçonneux, veut se marier au plus vite et Rosita doit se préparer. Mais Cocoliche entre par la fenêtre et, au moment où il va s’en prendre à Currito, l’arrivée des invités du mariage oblige Rosita à l’enfermer dans un autre placard.
Currito et Cocoliche se retrouvent seuls, chacun dans leur placard, regrettant leur amour perdu. Après le mariage, Cristobica s’enivre et s’endort, mais il est réveillé par Currito puis découvre la présence de Cocoliche. Il menace de les tuer à coups de gourdin mais, envahi par la rage, il implose et meurt, dans un fracas de sifflements et de grincements. S’ensuit une marche funèbre : le corps de don Cristobita est emporté dans un énorme cercueil tandis que Cocoliche et Rosita s’enlacent tendrement.
Autres titres
Première représentation
Teatro de la Zarzuela, Madrid (représentée par des acteurs)
Éditions et traductions
Federico García Lorca, Tragicomedia de don Cristóbal y la señá Rosita, Raíz, in Cuadernos de la Facultad de Filosofía y Letras, Madrid, n° 3-4, 1949
Federico García Lorca, Teatro completo. Barcelona : Galaxia Gutenberg, 2016
Federico García Lorca, Œuvres complètes, trad. André Belamich, vol. 2. Paris: Gallimard, 1990.
(Français)Federico García Lorca, The Billy-Club Puppets. In Five Plays: Comedies and Tragi-Comedies. Trans. James Graham-Lujan and Richard L. O'Connell. London: Penguin, 1970.
(Anglais)