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112 pages
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L'Empio punito
Un an après les premiers succès romains de Girello, Filippo Acciaiuoli et Giovanni Filippo Apolloni (chargé, selon les sources, de la simple révision ou de la versification complète du texte à partir d’une intrigue fournie par Acciaiuoli) donnent L’Empio punito (L'Impie puni) au Palazzo Colonna in Borgo, le 17 février 1669. Acciaiuoli s'était déjà fait connaître pour le raffinement technique de ses marionnettes. La partition est signée par Alessandro Melani et le livret paraît sans nom d’auteur. L'oeuvre est offerte par Lorenzo Onofrio Colonna à Christine de Suède, reine horlogère et passionnée de mécanismes autant que de musique, qui séjourne à Rome depuis 1655. La première est donnée devant un public entièrement masculin (au point que l’hôtesse elle-même, Maria Mancini, dut y assister incognito) de la plus noble société, en présence notamment de vingt-six Cardinaux. Colonna offre par la suite une autre représentation, ouverte à un public féminin, et dédiée à Caterina Rospigliosi.
La pièce, première transposition en opéra du mythe de Don Juan, déplace l’intrigue vers la Macédoine. Les personnages traversent de multiples lieux dans une intrigue complexe où se mêlent registre aulique et veine farcesque : face aux couples royaux (Cloridoro et Ipomene, Atrace et Atamira), se déploie le duo burlesque formé par Bibi et la vieille nourrice Delfa ; le personnage de Niceste, lui aussi, est le support d’un comique farcesque, qu’il s’oppose à Delfa dans une scène d’insultes bouffonnes (III, 15) ou qu’il provoque par erreur une scène de cascades pour Bibi (II, 1).
L'oeuvre frappe par la richesse de ses intermèdes, de ses décors ou de ses effets spectaculaires : chœurs de palefreniers, chœur de Marins chantant au milieu d’un naufrage, chœur des Diables aux Enfers, ballet des Maures ou des Pages, ballet des Monstres, ballet des Statues. Les onze changements de scène nécessitent une grande virtuosité technique, peut-être inspirée de celle mise en place par Giacomo Torelli à partir d’un système coulissant autour d’un treuil central.
On retrouve dans la pièce différents types de scènes à succès: un songe infernal extrêmement frappant, un jardin agrémenté d’une fontaine permettant des jeux d’eau, un naufrage. Une série de scènes spectaculaires font descendre le spectateur dans les Enfers : les changements de décor à vue suivent le trajet d’Acrimante jusque dans les abysses du Cocyte. Le ballet des Statues est l’occasion d’un jeu sur un vocabulaire traditionnellement associé à la marionnette, ce qui laisse imaginer qu'il est joué à l'aide de figures en bois, déplacées sur des rails et actionnées par un système de contrepoids manipulés sous les planches, pendant que les chanteurs opèrent derrière la scène. Bibi utilise, au sujet des personnages de pierre qui s’animent, le terme de "curiosi bambocci" (III, 16), avant de promettre à Delfa de lui raconter "l’historia del bamboccio, che vola" - en référence à l’ascension vers le Ciel de la statue de Tidemo. Des marionnettes sont peut-être également utilisées pour le ballet des Monstres ou pour les diables des Enfers. L'Empio punito marque ainsi l'articulation entre l'univers machinique exploré jusque-là par Acciaiuoli et ses grands opéras pour marionnettes des années suivantes.
Un homme infidèle est envoyé aux Enfers
La pièce s’ouvre à la Cour de Pella sur le chœur des palefreniers qui découvrent la sœur du Roi Atrace, Ipomene, attendant le retour de son amant Cloridoro. À l’arrivée de Cloridoro, le couple chante son amour réciproque. Dans un bois, la fille du Roi de Corinthe Atamira se désole en attendant son époux Acrimante; témoin d’un naufrage, elle sauve deux malheureux, qui se révèlent être Acrimante et son serviteur Bibi. Après l’avoir reconnue, Acrimante rejette son amour pour suivre de jeunes bergères. Atamira se désole, puis s’endort : c’est ainsi que la découvrent Atrace et Cloridoro au cours d'une partie de chasse. Atrace tombe immédiatement amoureux d’elle et lui promet son secours. Acrimante, arrivé à la Cour, s'éprend d’Ipomene, pendant que Bibi fait la cour à la nourrice Delfa. Au retour de la chasse, Atrace, informé de l’arrivée d’Acrimante, confie à Cloridoro le soin de veiller sur leur hôte dont il est l'ami fidèle. Pendant que Cloridoro retrouve Ipomene, Acrimante charge Bibi de trouver un remède à son amour pour l'Infante : informé par Delfa, lors d’un duo amoureux farcesque, de l’amour d’Ipomene pour Cloridoro, Bibi charge la nourrice de faire venir la jeune femme dans la chambre d’Acrimante, au motif d’y retrouver son amant. Une nouvelle rencontre entre Acrimante et Atamira voit l’époux rudoyer son épouse, qui se désole. L’acte se termine sur le ballet des Pages ou des Maures, qui dansent autour du Roi éperdu d’amour pour Atamira.
En tentant d’embrasser Delfa depuis son balcon, Bibi tombe : Atrace, qui le voit fuir sur sa mule revêtu de l’habit de son maître, se croit trahi par Acrimante, qu’il imagine amant de sa sœur ou de celle qu’il aime. Il décide de se venger et le fait appeler. Mandé par le Roi alors qu'il se trouvait avec Ipomene, Acrimante doit la quitter. Atrace et Cloridoro sont jaloux de lui, l’un au sujet d’Atamira, l’autre au sujet d’Ipomene : le Roi fait jeter Acrimante en prison, ce qui désole Atamira, dont l’amour est de nouveau rejeté par son époux. Cloridoro, qui se croit trahi par Ipomene, lui fait des reproches qu’elle ne comprend pas. Atrace décide de faire mettre à mort Acrimante : Atamira propose d’exécuter ses ordres. Elle lui tend une fiole de faux poison, et il s’effondre après avoir demandé pardon à son épouse ; Atamira fait porter le corps dans sa chambre. A Cloridoro qui se désole de la trahison d’Ipomene, Delfa apprend la vérité : les deux amants se réconcilient et conviennent de se retrouver de nuit dans le jardin. Atrace, réjoui de la mort d’Acrimante, demande la main d’Atamira, qui le refuse sans pour autant révéler qu’elle est déjà mariée. La nuit venue, alors que Bibi garde le corps de son maître, il s’endort : Delfa, venue le retrouver, le caresse et se fait passer pour l’esprit d’Acrimante. Après un moment d’effroi, gêné par la présence du corps pour parler d’amour, il l’entraîne hors de la chambre. Le démon arrive et assure son pouvoir sur l’âme d’Acrimante, dans une scène de songe où se découvre le royaume de Proserpine. Les monstres et les esprits dansent un intermède, pendant que la Reine des Enfers déclare son amour à Acrimante.
Atamira guette le réveil de son époux: lorsqu’il sort de sa léthargie (au grand effroi de Bibi), elle lui déclare son amour. Accusant son épouse d'avoir tenté de le tuer, Acrimante la chasse de nouveau. Bibi l’informe du rendez-vous convenu entre Ipomene et Cloridoro : Acrimante se présente à la place de son ami dans une scène nocturne dont Atrace est le témoin caché. Ipomene, comprenant son erreur, appelle à l’aide ; Tidemo, un conseiller, vole à son secours. Il est tué par Acrimante, qui s’enfuit. Atrace décide de retrouver le coupable et de le condamner à mort. Un ambassadeur de Corinthe annonce la guerre au Roi, s’il n’épouse pas Atamira : le Roi demande solennellement la main de la jeune Princesse, qui se refuse ; comme il annonce qu’il l’épousera de gré ou de force pour éviter la guerre, elle décide de se donner la mort. Acrimante, en fuite, arrive dans le jardin du palais de Tidemo où se trouve une statue du propriétaire : il entre en discussion avec la statue, qu’il finit par inviter à dîner. La statue incline la tête, puis se rend à l’invitation. Apparaissent une table et six statues, missionnées par Pluto (Pluton) : Tidemo se met à table, au milieu du ballet des statues qui chantent les louanges de Pluto. La terre s’ouvre, Acrimante s’enfonce vers les abysses pendant que Tidemo s’envole vers le Ciel. Arrivé dans l’antre du Cocyte, Acrimante demande pardon ; Caronte (Charon) l’emporte vers les Enfers. A la Cour, Bibi annonce la mort de son époux à Atamira, qui peut ainsi accepter la main d’Atrace. La pièce se termine avec trois mariages.
Première représentation
Palazzo Colonna in Borgo ai SS. Apostoli
Éditions et traductions
L'Empio punito. Dramma musicale del signor N. N. Ronciglione: Bartolomeo Lupardi, 1669.
Giovanni Macchia, Vita, avventure e morte di Don Giovanni, Bari, G. Laterza e F., 1966
Lieu de conservation
Mots-clés
Procédés théâtraux
- Musique
- Intermède
- Choeur
- Changement de décor à vue
- Personnage muet
- Rivalité amoureuse
- Intrigue amoureuse
- Amour contrarié
- Scène de naufrage
- Scène de reconnaissance
- Scène de chasse
- Scène de balcon
- Chute d’un personnage
- Chute comique d’un personnage
- Scène de séduction
- Monologue
- Enfermement
- Fausse mort
- Scène rêvée
- Songe
- Cauchemar
- Apparition d'un dieu
- Apparition d'un monstre
- Apparition des démons
- Danse des démons
- Scène de nuit
- Scène dans l'obscurité
- Coup d’épée
- Combat à l'épée
- Scène de duel
- Coup de pistolet
- Messager
- Mariage forcé
- Statue qui s'anime
- Montée au ciel
- Volerie
- Mariage final