Imprimé
22 pages
The Maternal Cloister
The Maternal Cloister est une commande du "Theatre Carnivalesque", une compagnie brésilienne spécialisée dans les spectacles de marionnettes. L'autrice britannique Christine Roberts s’est largement inspirée du travail biographique d’Octavio Paz sur la vie de Sor Juana Ines de la Cruz (1648?-1695). Poétesse, philosophe et compositrice de la Nouvelle-Espagne, Sor Juana a consacré sa vie à ses recherches et revendiqué dans ses écrits le droit des femmes à l’éducation. C’est cette dimension féministe de sa vie que Christine Roberts explore dans The Maternal Cloister, notamment grâce à l’utilisation de marionnettes. L’autrice explique dans l'introduction de la pièce que les marionnettes ont permis d'illustrer le rejet du « réalisme » et de « l’illusion du réalisme » et ainsi de représenter de façon symbolique l’univers patriarcal dans lequel Sor Juana évolue. En fait, les marionnettes véhiculent une image forte : celle de la manipulation qui apparaît ici comme le thème central de la pièce. Une tension apparaît entre marionnettes et marionnettistes : la présence des marionnettistes sur scène et leurs adresses à leurs marionnettes et aux spectateurs mettent en avant l’idée de manipulation qui est rendue parfaitement explicite lorsque les marionnettistes deviennent eux-mêmes des personnages (Sor Juana, l’archevêque ou l’évêque) en manipulant d’autres.
Le titre de la pièce, Maternal Cloister, fait également référence à l'utérus en espagnol.
Une femme est manipulée et trahie par un représentant de l’Église
Dans sa bibliothèque, Sor Juana s’adresse aux spectateurs et se présente. Elle est entourée d’astres et une marionnette à trois têtes, représentant l’archevêque Francisco de Aguiar y Seijas (la religion), le vice-roi (la royauté) et son père (« l’État patriarchal »), pèse au-dessus d’elle. D’un mouvement de bras, Sor Juana fait disparaître cette marionnette, puis elle s’adresse à son marionnettiste, à qui elle demande de lui couper les cheveux chaque fois qu’elle ne parviendra pas à mémoriser le passage d’un livre. Des lettres sont écrites sur les étoiles, et Sor Juana s’envole pour les lire. Une musique indique que la scène suivante se déroule à la cour, où Sor Juana est admirée de tous : elle est regardée par d’autres personnages (dont on entend également les voix) à travers des trous dans la bibliothèque. L’évêque de Puebla conseille alors à Sor Juana de rejoindre le couvent pour pouvoir se consacrer à sa propre édification et fuir les obligations d’un mariage. À ce moment, l’évêque devient le marionnettiste de Sor Juana et quelqu’un la recouvre d'un voile évoquant un linceul. Les marionnettistes représentant l’archevêque (un homme connu pour sa misogynie) et l’évêque récupèrent l’urine de religieuses en appuyant sur le dos de la marionnette unique qui les incarne. L’objectif est de faire payer ce « remède » à des femmes sans enfants, pour les rendre fertiles.
Sor Juana devient la manipulatrice de deux marionnettes, la vice-reine et l’évêque, à qui elle fait apporter sur scène de nombreux objets qui lui permettront de poursuivre ses passions (la musique, les mathématiques, l’art, …). Mais le marionnettiste devient ensuite l’archevêque, manipulant la vice-reine, puis l’évêque. La présence spectrale de l’archevêque, par une image de lui sur scène ou une projection de son ombre, est oppressante, et Sor Juana est finalement trahie par l’évêque. Ce dernier lui conseille de délaisser la philosophie et la poésie profanes et d’écrire sur Dieu afin de trouver grâce aux yeux de l’archevêque. Il lui conseille tout particulièrement de faire une critique d’un texte du jésuite Antonio de Vieyra, pourtant ami de l’archevêque. Sor Juana l’écoute. Mais lorsqu’il comprend que l’archevêque s’en prendra à lui s’il s’associe à un tel écrit, l’évêque abandonne Sor Juana. Toutes ses possessions sont retirées de la scène, désormais vide. La marionnette à trois têtes la surplombe et la force à confesser qu’elle a négligé ses obligations religieuses. Des rouleaux de papier sont arrachés du corps de sa marionnette qui est ensuite lâchée sur le sol. L’espace de la scène se resserre et, au moment où Sor Juana signe la confession de son sang, sa marionnette est déchirée. Le marionnettiste de Sor Juana raconte la fin de sa vie, et sa marionnette parle une dernière fois au public.
Première représentation
Jouée par des étudiants de l'Université de Plymouth, mai 2002.
Éditions et traductions
Christine Robert, Tormented Minds, Bristol: Intellect Books, 2003.