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25 pages
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Venise ou la Lagune de miel
Créée au cabaret de la Lune rousse, Venise ou la Lagune de miel appartient à un des rares répertoires relativement fournis pour théâtre d’ombres d’un établissement montmartrois ayant succédé au cabaret du Chat Noir. Fondé en 1904 et en activité jusqu'en 1914, cet établissement co-fondé par Dominique Bonnaud et Numa Blès créa une vingtaine de pièces originales et reprit trois pièces du Chat Noir. Ce répertoire comprend des pièces bonimentées, récitées et chantées. Hormis les pièces chantées, Dominique Bonnaud et Numa Blès sont les véritables auteurs de toutes les pièces présentées à la Lune rousse. S’étant formé auprès de Rodolphe Salis qu’il a remplacé durant les tournées du Chat Noir, Dominique Bonnaud perpétua l’art de la pièce bonimentée. Les pièces récitées étaient dites par Numa Blès. C’est lui qui présenta Venise ou la Lagune de miel avec les ombres et les décors d’Abel Truchet.
D’après Paul Jeanne (Les Théâtres d'ombres à Montmartre de 1887 à 1923) et un programme conservé à la Bnf, la soirée se divisait en deux parties : la pièce d’ombres terminait la première tandis que la revue des chansonniers occupait la seconde.
Techniquement, le théâtre de la Lune rousse consistait, d’après la description de Paul Jeanne, en « un étroit réduit triangulaire dans l’un des angles de la Salle de Spectacle ». Un chef-machiniste, M. Bondenat, assurait la mise en œuvre des pièces. Certains décors auraient été peints sur une toile appliquée sur l’écran (et non projetés).
Un jeune marié doit se dépuceler
En guise de prologue, le récitant commence par une biographie parodique d’Abel Truchet, présenté sous le nom d’Abelio Truchetti comme un peintre aventureux de la Renaissance...
Isabelle et Ferdinand sont sur le point de partir pour leur voyage de noces à Venise. Il incombe à Ferdinand, encore vierge, de sceller charnellement le mariage. Les époux chargent leurs bagages – dont une valise pleine de coquines lingeries – et embrassent les parents d’Isabelle. La mère donne quelques conseils à son gendre avant que l’automobile ne démarre. Dans le train de nuit, allongés dans leurs lits superposés, les deux jeunes époux songent... Le train arrive à Venise.
Sur la place Saint-Marc, des femmes peignent des aquarelles. La clientèle étrangère des hôtels défilent sur la place. Se succèdent des ouvrières dentellières, des officiers, des princes, des Russes, un couple britannique, des Allemands, un vieux lord, des pigeons, la chanteuse Gaby Deslys et un écrivain auquel déplaît l’impudeur de la danseuse Ida Rubinstène [sic]. Ferdinand et Isabelle viennent de voir le Pont des soupirs, le Campanile et l’Escalier des géants mais Ferdinand, peu inspiré, reste encore timide.
Sur le petit canal, une gondole passe au son d’un violoncelle. Alfred de Musset est à son bord tandis que sont récités des vers parodiques qui moquent les déboires amoureux du poète avec Georges Sand.
Sur le Grand canal, de nombreuses gondoles circulent : la gondole des postes, la gondole des livraisons, la gondole des ambulances, la gondole des ordures ménagères... On peut aussi admirer d’illustres palais. Ferdinand et Isabelle ont loué une confortable gondole où les jeunes époux peuvent enfin consommer leur amour.
La nuit tombe sur Venise et une fête illumine la ville.
Première représentation
Cabaret de la Lune rousse
Éditions et traductions
Numa Blès, Dominique Bonnaud, Venise ou la Lagune de miel, Paris, Société d’éditions de la Lune rousse, [s. d.].