The Temptation of St Anthony (La Tentation de saint Antoine) est l'un des intermèdes du vaste cycle du Drama for Fools (Le Théâtre des fous) qui occupe intensément Craig en 1916-1918, et qui devait compter 365 courtes pièces à jouer comme un spectacle itinérant, du 1er avril au 31 mars, chaque soir une nouvelle pièce dans un nouveau lieu. S'il s'est interrompu avant d'achever ce cycle et s'il a renoncé à le représenter lui-même, Craig, qui signe ses pièces du pseudonyme de Tom Fool, a conservé ses ébauches sous la forme d'une collection de cahiers dactylographiés, aux couvertures calligraphiées dans différentes couleurs et richement illustrés, dans trois coffrets cartonnés. Très attaché à ces cahiers, il les a repris, corrigés, enrichis jusque dans les années 1950. Cette collection est aujourd'hui la propriété de l'Institut International de la Marionnette (Charleville-Mézières).

Craig reprend ici, de manière burlesque, l'un des sujets principaux des spectacles de marionnettes au 19e siècle, mais y ajoute des allusions à l'oeuvre de Flaubert et aux tableaux de Hieronymus Bosch, dont doivent s'inspirer les décors. Il s'y moque aussi de la petite communauté anglaise de Florence qu'il fréquentait jusqu'à la Première guerre mondiale, ainsi que de ses propres "tentations": ses nombreuses conquêtes féminines. C'est aussi l'occasion, pour Craig, de faire apparaître deux personnages qu'il avait le projet de faire revenir à plusieurs reprises dans le Drama for Fools: la Reine de Saba et Cleo di Patra.

Trois femmes, la jeune Janet, sa mère et sa grand-mère, se réfugient dans une étable pendant qu'un orage et les tentations de saint Antoine se déchaînent. Janet demande, en vain, qu'on lui explique en quoi consistent ces tentations.

Saint Antoine (appelé Anthony Perkins), dans sa cellule, a pour seuls amis son Auréole, son Horloge et son Calendrier. Il prie Zeus de lui envoyer des tentations car elles ne viennent jamais jusqu'à lui. Le temps passe, et il finit par mourir d'ennui.

Juste après la mort d'Anthony, la Reine de Saba, vieillie, entre dans sa cellule accompagnée de Gustave Flaubert. La Reine de Saba, déçue de ne pas avoir pu tenter Anthony, meurt. Flaubert demande à deux eunuques de les enterrer. Cleo di Patra apparaît dans le ciel, entourée d'anges. La pièce s'achève par un grand ballet et une procession funéraire.