Quand il ouvre au public en 1907 son théâtre d’ombres dans le quartier artistique de Schwabing, Alexander von Bernus veut proposer une nouvelle forme d’art dont il revendique la filiation romantique et qui, distincte des spectacles du Chat Noir à Paris, exploiterait davantage l’immatérialité de l’ombre pour s’aventurer sur les terres de l’âme et du rêve. Le mysticisme prégnant dans les cercles intellectuels et artistiques munichois au début du 20e siècle n’est pas étranger à ce projet visant « l'union la plus métaphysique de l'image, de la poésie et de la musique.».

Pan est une des pièces les plus raffinées du répertoire des Schwabinger Schattenspiele, applaudie par l’orientaliste et historien du théâtre d’ombres Georg Jacob qui en loue la poésie. La pièce s’inspire de coutumes paysannes anciennes qui célébraient lors du solstice d’été les puissances magiques de la nature.

C'est le jour de la Saint-Jean. Le dieu Pan annonce l'aube et invoque l'esprit des fleurs. Tous les personnages qui apparaissent semblent animés par un irrépressible désir d'aimer : un séminariste et la fille d'un prêtre s'embrassent en cachette, un oiseau chante pour sa bien-aimée, deux jeunes paysans s'enlacent sur une charrette, deux enfants parlent d'étoiles et de bébé, une religieuse loue son créateur, deux chats se livrent une joute fougueuse, une jeune fille en manque d'amour s'assoupit... À son réveil, une autre fille plus âgée lui propose d'aller chez une sorcière ayant le pouvoir de leur faire voir l'homme qu'elles aimeront. Malgré la peur et l’obscurité, elles vont chez la sorcière dont les incantations font apparaître au loin leur futur époux. L'un ressemble étrangement au pêcheur croisé au début de la pièce, l'autre au prince aperçu précédemment sous la forme d'un poisson. Encore frissonnantes et comme ensorcelées, les deux jeunes filles repartent et Pan clôt la pièce d'un air de flûte.