Imprimé
18 pages
Auteur(s)
Wolfdietrich und die Rauhe Els
Quand il ouvre au public en 1907 son théâtre d’ombres dans le quartier artistique de Schwabing, Alexander von Bernus veut proposer une nouvelle forme d’art dont il revendique la filiation romantique et qui, distincte des spectacles du Chat Noir à Paris, exploiterait davantage l’immatérialité de l’ombre pour s’aventurer sur les terres de l’âme et du rêve. Le mysticisme prégnant dans les cercles intellectuels et artistiques munichois au début du 20e
siècle n’est pas étranger à ce projet visant « l'union la plus métaphysique de l'image, de la poésie et de la musique.»
Karl Wolfskehl fait partie des co-fondateurs des Schwabinger Schattenspiele pour lesquels il écrit trois pièces. Wolfdietrich und die Rauhe Els figure au programme d’inauguration du théâtre. Ses pièces se distinguent des pièces oniriques d’Alexander von Bernus par leurs thèmes (le rapport de force entre les sexes notamment) et une atmosphère plus sombre et violente. Les trois pièces sont des adaptations de mythes nordiques ou de contes orientaux. Dans le sillage de l’influente tradition philologie des universités allemandes et de la nouvelle dynamique que connaît l’orientalisme scientifique au début du siècle, Karl Wolfskehl s’intéresse à ces récits avant tout comme érudit et bibliophile. Pour écrire Wolfdietrich und die Rauhe Els, il puise dans les légendes germaniques dont une compilation vient d’être publiée à Munich par Richard von Kralik (en 1906). On retrouve dans ce recueil une synthèse des différentes versions de la légende de Wolfdietrich. La pièce de Wolfskehl reprend en particulier le chapitre « Wolfdietrich und Siegeminne » où le jeune chevalier fait la rencontre d’une monstrueuse sirène. A l’intervention divine qui sauve finalement le chevalier dans la version de Richard von Kralik, Karl Wolfskehl substitue une cause morale : la soudaine clémence de la sirène est motivée par le repentir du chevalier qui reconnaît ses torts à l’égard des dames.
L’amour contrarié, l’obsession et les métamorphoses se jouent dans les décors de Rolf von Hoerschelmann où lianes, ronces et racines ornent et enserrent l’espace, d’une manière aussi esthétique qu’inquiétante.
Un jeune chevalier est puni pour avoir éconduit une femme laide
Alors qu’il erre seul dans les bois, le chevalier Wolfdietrich rend hommage à son épée et à sa monture, précieuses alliées dans ses aventures. Soudain, une femme monstrueuse l’interpelle et lui demande de passer la nuit avec elle. Se heurtant au refus catégorique et insultant de Wolfdietrich, la femme insiste et le menace avant de le condamner à sept ans de sommeil. Quand il s’éveille, dans les mêmes bois mais sept années plus tard, il n’a plus son épée ni son cheval, a perdu ses repères et ses sensations. La sirène réapparaît et renouvelle sa demande mais le jeune chevalier réitère son refus, rebuté par sa laideur. Honteux d’être ainsi défié par une femme, il préfère demander la mort. La sirène démoniaque refuse, le prive de la vue, de sa jeunesse et de sa raison. Perdu et affaibli, Wolfdietrich chemine en tâtonnant, entonnant sans cesse le même refrain à la gloire de ses exploits passés. La sirène désespère d’être un jour délivrée par celui qu’elle aime et se résigne à retourner dans sa tour au bord de la fontaine de jouvence pour y attendre la mort.
Quelque temps plus tard, elle entend au loin la voix de Wolfdietrich, poursuivi par des gens du peuple qui menacent de le frapper. Il veut savoir qui l’a ainsi privé de ses sens et de sa jeunesse, ressassant sa gloire d’antan avant d’être réduit au silence, accablé par les provocations de la sirène. Celle-ci plonge alors dans la fontaine de jouvence, y retrouve sa jeunesse et sa beauté, pendant que Wolfdietrich recouvre la vue. Éblouissante, elle lui rappelle ses torts, quand il était encore un jeune et beau chevalier. Reconnaissant ses erreurs, Wolfdietrich veut mettre fin à ses jours et se jette dans la fontaine qui lui rend sa jeunesse, son épée et son cheval. L’acte de contrition du chevalier est ainsi récompensé et la sirène, libérée de ses pouvoirs maléfiques, peut l’épouser.
Première représentation
Schwabinger Schattenspiele
Éditions et traductions
Karl Wolfskehl, Wolfdietrich und die Rauhe Els Munich, Schwabinger Schattenspiele, 1907