En 1866 et 1867, Victor-Napoléon Vuillerme-Dunand et Laurent Josserand arrivent à Paris pour y représenter le répertoire lyonnais dans un café. Ils sont obligés pour cela de faire viser les manuscrits de leurs pièces par les bureaux de la censure. Cette collection de trente-cinq pièces est aujourd'hui conservée aux Archives Nationales. La plupart de celles-ci appartiennent au répertoire traditionnel de Laurent Mourguet et de ses successeurs, mais ce n'est pas le cas de cette Descente de Guignol aux Enfers, dont aucun autre manuscrit n'est connu.

Le thème de la descente aux Enfers (la catabase des héros de la mythologie classique), relativement répandu dans le théâtre de marionnettes, emprunte un personnel (Pluton, Proserpine, Charon, Cerbère) ainsi qu'une géographie topiques, tout en les détournant au profit d'une aventure héroïcomique. S'ajoute ici une intrigue matrimoniale qui démarque de manière très lâche l'histoire d'Orphée et d'Eurydice, puisque c'est sa femme que Guignol va rechercher dans les Enfers. L'ensemble de ces éléments est traité sur un registre farcesque, mobilisant aussi bien les réflexions misogynes sur le mariage que les considérations sur la bonne chère qui guide Guignol et ses comparses. Dans la dernière scène, le banquet offert par Pluton s'abîme dans les flammes de l'Enfer, faisant fuir Guignol et Madelon sur leur dragon volant: c'est l'occasion d'un dénouement spectaculaire dans sa bouffonnerie même.

Guignol, le serviteur de Vincent, a perdu sa femme Madelon, morte d'une indigestion de melon. Vincent projette de lui faire épouser Louison, la fille de Gnafron, pour s'attacher les deux serviteurs. Mais Guignol, qui regrette infiniment sa femme avec laquelle il ne cessait de se disputer, a quitté la maison, résolu de descendre aux Enfers pour la chercher. Gnafron parvient néanmoins à le retrouver, attablé chez un marchand de vin: après un bon repas, ils rentrent chez leur maître. Au moment d'établir le contrat de mariage, Louison se réjouit d'avoir enfin trouvé un mari et promet à Guignol, qu'elle pousse devant elle avec une épingle à cheveux, de se montrer aussi méchante que sa première femme. Guignol parvient pourtant à s'enfuir avant de signer le contrat: Gnafron et Louison partent à sa poursuite, pendant que Vincent décide de se mettre à table avec son voisin Durand.

Guignol, à la recherche de Madelon, est perclus de fatigue: il s'endort et voit en rêve le Génie du bien qui lui présente l'image de Madelon accompagnée d'un diablotin. A son réveil, Guignol convoque le Génie, qui l'avertit des dangers qui l'attendent et lui décrit les cinq fleuves infernaux - mais Guignol, en bon Lyonnais, n'a pas peur et il sait nager! Caron, avant de l'accepter dans sa barque gratuitement (Guignol lui promet qu'à ce prix il lui sera client fidèle), prévient le héros: Madelon est la suivante de Proserpine, qui risque bien de ne pas la lui céder. Guignol persiste et affirme ne pas craindre Cerbère, dont il entend amadouer les sept têtes à l'aide d'un morceau de pain et de fromage.

Arrivé chez Pluton, Guignol réclame sa femme: le roi des Enfers, qui se souvient que le demandeur est protégé par le Génie du bien, mande son épouse. Proserpine refuse de rendre Madelon, à laquelle elle tient comme à la plus méchante de ses suivantes - puis elle cède, à la condition que l'épouse donne son consentement. Madelon arrive, lance insultes et coups contre son époux; mais Guignol a de bons arguments: il vient de toucher un héritage de sucre, de café, d'eau de vie et d'absinthe... Après quelques minutes de réflexion, Madelon accepte de le suivre, sur le dragon volant que Pluton prête à Guignol pour les raccompagner. Avant leur départ, le roi des Enfers leur promet un festin: ils se réjouissent, mais les flammes des fourneaux de l'Enfer les font fuir avant d'avoir pu y goûter.