Girello - Filippo Acciaiuoli (dit Gran Burattinajo)

Girello

Filippo Acciaiuoli (dit Gran Burattinajo) | 1668 | Ronciglione, Italie
Genre (indiqué par l’auteur)
Dramma musicale burlescho
Personnages
Plutone, Proserpina, Vendetta, Inganno, Odoardo, Erminda, Doralba, Mustafa, Filone, Ormondo, Pasquella, Girello, Tartaglia, Mago
Nombre d’actes
3
Notice

De 1680 à 1682, Venise accueille pour le carnaval trois saisons d'opéras pour marionnettes, écrits par Acciaiuoli et représentés au Teatro San Moisè. Dans ce théâtre partiellement démantelé, on aménage une scène provisoire sur laquelle Acciaiuoli met en scène trois drammi per musica à l’aide de grandes figures actionnées par des contrepoids depuis les dessous du plateau pendant que les chanteurs et musiciens officiaient derrière la scène. Après Il Leandro, premier spectacle de ce genre représenté à Venise l’année précédente, les trois pièces Damira placata, L'Ulisse in Feaccia et Girello permettent à l’entrepreneur (dont le nom n’apparaît jamais sur les livrets) de conquérir un public cultivé, aristocratique, qui prend connaissance des textes sous forme de libretti imprimés et distribués pour l’occasion, recensant de nombreuses informations sur les musiciens, les décors, les machines et les danses.

Drame burlesque, Girello est représenté sous forme marionnettique en 1682 au Teatro San Moisè, sur une musique de Francesco Antonio Mamiliano Pistocchi (dit Pistocchino), qui avait déjà travaillé pour la musique du Leandro (selon certaines sources, la musique serait due à Acciaiuoli lui-même). La partition est perdue. La pièce, qui marque la naissance de l'opéra bouffe, avait déjà été jouée avec grand succès à de multiples reprises, par des comédiens de chair et d’os, sur une musique de Jacopo Melani et d’Alessandro Stradella : à Rome au palazzo Colonna in Borgo, pendant le Carnaval de 1668, comme intermède de La Comica del cielo de Rospigliosi, puis à Bologne en 1669, à Florence en 1670 et 1674, à Sienne en 1672, à Naples en 1673, à Livourne en 1673, à Modène en 1675 et à Reggio en 1676. Toutefois, c’est à Venise qu’il semble avoir été pour la première fois joué avec marionnettes, dans la lignée des saisons théâtrales précédentes.

Présentée au public vénitien comme "una bizzaria dramatica" (une bizarrerie dramatique), "una terza entità partecipante del comico e del dramatico" (une tierce entité participant du comique et du dramatique), la pièce est conforme au goût de la cité, qualifié de "tutto capriccio" (tout caprice). Le héros se définit lui-même comme un "bel fantoccio" (I, 15), terme utilisé dans les textes de l'époque pour parler de marionnettes. Comme celles de L'Ulisse, les marionnettes sont faites de cire et semblent reconduire le grand succès de la saison précédente. La pièce se signale par l’alternance entre scènes de plein air et scènes d’intérieur, nous conduisant des jardins du palais à la forêt et jusque dans la bouche des Enfers, avec un changement de décor à vue. Le texte, qui s'ouvre sur un prologue aux Enfers, joue de l’alternance baroque entre vérité et apparences pour montrer un personnage modeste, Girello, transformé en roi d’un coup de baguette magique, avant que la même baguette ne replace tous les personnages dans leur statut initial. Pendant une grande partie de la pièce coexistent deux Odoacro d'allure semblable, mais au comportement opposé : nouveau Sosie, le Roi n’a d'autre choix que de s’incliner devant la force des apparences.

Le comique de la pièce repose sur les quiproquos occasionnés par ce dédoublement, en particulier chez le personnage de Tartaglia sur qui reposent les injonctions contradictoires de ses deux maîtres, mais aussi sur un personnel emprunté à l'univers de la farce (Pasquella la vieille nourrice lubrique, Filone le pédant) et sur une série de bastonnades reçues par le Roi, par lesquelles se solde l'inversion des rôles. Cette veine farcesque contraste de manière spectaculaire avec le pétrarquisme des dialogues qui mettent aux prises Odoardo et Erminda ou Mustafa et Doralba. Contrairement aux premiers opéras pour marionnettes, les mouvements de ballets sont presque entièrement abolis: même si la page de présentation du livret mentionne un ballet des Esprits dans les Enfers, un ballet des Satires dans le bois et un ballet des nains de Cour dans le jardin, les deux derniers intermèdes n’apparaissent plus dans le cours de la pièce.

Résumé

Un homme est transformé en roi

Aux Enfers, Pluton et Proserpine dépêchent sur terre leurs armées d’Erinyes, avec pour mission de punir le tyran de Thèbes Odoardo.

Filone et Ormondo, conseillers, attendent le retour du Roi et les célébrations de son mariage avec sa jeune promise Erminda. Ormondo déclare son amour à Pasquella, épouse de Girello, qui repousse ses avances : Girello lui promet le bâton, et par mesure de représailles, Ormondo le fait jeter en prison. À la Cour, Doralba, sœur du Roi, se désespère d’amour pour l’esclave Mustafa. Filone et Ormondo réclament un châtiment contre Girello, qui est condamné à l’exil. Mustafa lui donne un peu d’argent, avant de rejoindre Doralba pour lui chanter sa flamme ; comme il se montre trop empressé, elle le dénonce à Odoardo.

Girello, en exil dans le bois, rencontre un magicien qui se présente comme le Patriarche des abysses : pour se faire entendre, il lui montre une série de créatures diaboliques. Pris de peur, Girello tente de le congédier, mais le magicien lui propose son soutien. La scène dévoile alors la bouche des Enfers, d’où sortent les diables pour costumer Girello en habits de Roi. À la condition de conserver son costume et de placer auprès du Roi une racine magique, Girello passera pour Odoardo, Odoardo pour Girello.

Girello arrive à la Cour sous son nouveau costume et annonce une série de lois farfelues, avant de nommer ses conseillers "Governator delle galline" (gouverneur des poules) et "Segretario maggior della brachetta" (secrétaire majeur de la braguette). Il fait une entrée sans son épée, est reconnu comme Girello, revient avec son épée, est considéré comme Roi – même si ses serviteurs le trouvent changé, car il a perdu sa ladrerie habituelle. La vieille Pasquella prie Girello, qu’elle prend pour le Roi, de lui permettre de se remarier pour ne pas perdre ses jeunes années dans l’attente de son époux ; quant à Mustafa, accusé d’avoir tenté de violer la sœur du Roi, il réclame son pardon. Girello fait jeter Ormondo et Filone en prison, fait de Mustafa son favori, et répond à Pasquella qu’elle ne perd rien pour attendre. Le véritable Odoardo, surpris de retrouver ses conseillers en prison, les fait libérer par Tartaglia : c’est l’occasion d’un premier quiproquo, puisque Tartaglia ne comprend pas les ordres contradictoires du Roi. A l’inverse, Mustafa remercie Odoardo pour ses bienfaits : le Roi n’y comprend rien et le fait jeter aux fers, en compagnie de Doralba qui a confessé son amour pour l’esclave.

Girello fait de nouveau libérer les amants, qu’il marie, et envoie Filone et Ormondo aux galères : lorsque Tartaglia lui signale ses contradictions, Girello lui demande de lui donner le bâton la prochaine fois qu’il perdra la mémoire. Pasquella, qui réclame un mari, se montre prête à accepter les avances du soi-disant Roi qui lui promet la bastonnade ; Erminda se prépare à passer la nuit avec Girello, qu’elle prend pour son époux. Girello parvient à glisser la racine dans les affaires d’Odoardo : le Roi, face à son sosie, n’y comprend plus rien et se désespère lorsque Tartaglia lui ordonne de s’incliner devant Girello. En prison où il a été jeté, Odoardo demande à son aimée d’intercéder en sa faveur : c’est Pasquella, et non Erminda, qui lui répond.

Le magicien décide alors d’ôter le voile des yeux des mortels : il transforme Tartaglia en statue, et déclare à Girello qu’il lui retire sa condition royale pour en avoir fait mauvais usage. Girello tente de le faire battre, mais le magicien révèle la vérité à tous. Pasquella et Erminda ne savent plus où est leur véritable époux ; quant à Musfata, il se révèle fils du Roi de Chypre et frère d’Erminda, ce qui rend son mariage avec la sœur du Roi acceptable. Le magicien donne au Roi l’exemple du pardon en redonnant à Tartaglia son allure humaine : Odoardo pardonne à Girello.

Date d’écriture
1668

Première représentation

Venise, Italie, 1682 -

Teatro San Moisè

Éditions et traductions

Édition

Girello. Ronciglione; Bartolomeo Lupardi, 1668

Édition moderne

Lieu de conservation

Bibliothèque nationale de France - Paris, France