
Manuscrit
108 pages
Auteur(s)
Crasmagne à l'Académie
Crasmagne à l’Académie est une parodie de la parabole du Fils prodigue (Luc 15:11–32), jouée par le Théâtre Pitou à la fin du 19e siècle et au début du 20e. Une pièce intitulée L’Enfant prodigue est représentée par le théâtre depuis l’époque d'Hubert Chok 1811-1867), fondateur du théâtre ambulant qui prend le nom de Théâtre Chok-Pitou, puis celui de Pitou lorsque Émile-Auguste Pitou en prend la direction. Le titre Crasmagne à l’Académie n’apparaît dans les registres de comptabilité du théâtre qu’en 1893, ce qui permet d’identifier Émile-Isidore-Joseph Pitou, dit Pitou II, comme l’auteur du texte. La pièce restera dans le répertoire du théâtre jusqu’en 1914 et, paradoxalement, sera jouée en alternance avec L’Enfant prodigue.
L’adaptation de Pitou déplace le focus de l’histoire du fils rebelle contre son père à celle de Crasmagne, son fidèle domestique, qui se retrouve avec son maître à l’« académie », dans le double sens du terme : lieu d’apprentissage et maison de jeu. Crasmagne est le personnage fétiche du théâtre créé par Chok. On confie souvent à sa marionnette les rôles de valets et de petites gens, mais ici, Crasmagne joue son propre rôle de type populaire et gai qui sait comment obtenir ce qu'il veut.
Le manuscrit parvenu jusqu'à nous est postérieur aux représentations. Il s'agit d'un texte « recopié de mémoire », selon l'expression de Pitou II, en 1924. La version finale est transmise vers 1938 à Gaston Baty, qui l’utilise pour reconstituer le texte de L’Enfant prodigue tel qu’il était joué par les marionnettistes forains, et publier celui-ci dans son anthologie Trois p'tits tours et puis s'en vont. Les théâtres forains de marionnettes à fils et leur répertoire 1800-1890 (Paris: Odette Lieutier, 1942). 
Un fils rebelle apprend à respecter son père
Inquiet de la disparition de son fils Benjamin, Lésimonde envoie l'un de ses domestiques à sa recherche, mais celui-ci revient les mains vides. En colère, le père décide de punir son fils prodigue et ordonne de fermer toutes les portes à neuf heures et demie. De retour de la maison de jeu, Benjamin exige de. Crasmagne qu'il aille demander de l'argent à Lésimond. Crasmagne essaie de s'en sortir du mieux qu'il peut, sans succès : en entendant la demande de son fils, Lésimond se fâche et frappe son domestique. Crasmagne transmet tout ce qu’il a reçu à Benjamin qui, furieux, décide de quitter la maison familiale en emportant avec lui la cassette aux diamants de sa mère. Crasmagne refuse de le suivre mais est contraint d'obéir.
Benjamin retourne à la maison de jeu. Il laisse Crasmagne sans repas et part s’amuser. Mais les autres joueurs trichent et Benjamin, ruiné et presque nu, est chassé. Crasmagne punit les tricheurs mais ne parvient à recupérer ni la cassette ni les habits de Benjamin. Affamés et épuisés, ils traversent une forêt regorgeant de merveilles et arrivent à la maison du garde de la forêt. Leurs rôles s'inversent : Crasmagne se présente comme le maître et entre dans la maison, tandis que Benjamin, présenté comme le domestique, reste dehors en attendant le résultat des négociations avec le garde. Crasmagne lui rend la pareille : il déjeune avec le garde, laissant son compagnon affamé.
Pendant que Benjamin et Crasmagne continuent leur chemin, ils croisent le fermier Jean-Louis auquel Benjamin demande du travail en échange de nourriture. Lorsque Jean-Louis apprend son identité, il le chasse, refusant d'aider les « libertins et enfants maudits ». Les deux hommes le supplient à genoux pour obtenir une place de gardiens de cochons. Plein de remords, Benjamin s'endort. Le Christ apparaît et lui conseille de rentrer chez son père. Pendant ce temps, les pourceaux s'évadent, causant des ravages chez Jean-Louis et d'autres paysans. Crasmagne et Benjamin s’enfuient à nouveau. Ils reviennent à la maison paternelle comme deux mendiants, le jour du mariage du frère cadet de Benjamin. Lésimond, voyant à quel point ils ont changé et sont devenus humbles, décide de leur pardonner. Tout se termine par une grande fête.