
Imprimé
35 pages
Auteur(s)
Ligazón
Auto para siluetas
Ligazón est une pièce tardive de Ramón del Valle‑Inclán. Au début des années 1920, Valle‑Inclán a développé une dramaturgie nouvelle, l’esperpento, qui, dans une veine grotesque et satirique, offre une déformation critique de l’Espagne contemporaine. En 1926, quand il publie Ligazón, Valle‑Inclán renoue avec le symbolisme de ses débuts. Dans un décor stylisé et nocturne, ce drame resserré, cruel et sacré atténue la satire au profit de la tragédie.
Dès sa première publication dans La Novela Mundial, la pièce est sous-titrée « auto para siluetas » (mystère pour silhouettes). La pièce est créée la même année dans le cadre des expérimentations dramatiques du Círculo de Bellas Artes. Un compte rendu de la représentation décrit vaguement le dispositif, en mentionnant des « ombres parlantes » et « un décor schématique » (El Sol, 21 décembre 1926). Très critique envers les institutions, Valle‑Inclán dit ne pas tenir compte des contraintes de mise en scène ; ses didascalies élaborées et visuellement très travaillées laissent ouverte leur interprétation technique et scénographique. Le théâtre d’ombres et de silhouettes envisagé pour cette pièce était encore à inventer.
Une jeune fille refuse d’aliéner sa liberté pour un mariage d’argent
Dans la nuit, une femme appelée la « renarde » rend visite à son amie aubergiste et à sa fille. La renarde a pour cette dernière un cadeau, un collier de corail, de la part d’un riche prétendant. Mais la jeune fille refuse d’être achetée, préférant aimer et vivre librement.
Un rémouleur passe et badine avec la jeune fille qui lui demande d’aiguiser une paire de ciseaux. Le rémouleur, en échange, réclame un baiser. La jeune fille refuse et propose de lui offrir un verre. Après y avoir trempé ses lèvres, elle lui tend le verre. Le rémouleur repart dans la nuit.
La renarde et l’aubergiste sortent ivres et prévoient de fêter le contrat de mariage. L’aubergiste va ensuite sermonner sa fille : elle lui reproche de ne pas vouloir épouser l’homme riche qui la courtise et lui demande de porter le collier au cas où il lui rende visite dans la nuit.
De retour, le rémouleur badine à nouveau avec la jeune fille dont il compare le charme à celui d’une sirène et d’un serpent. Affirmant avoir suivi tous ses pas dans le reflet de l’eau, la jeune fille lui promet un baiser. Le rémouleur, perturbé, dit être attendu par sa future épouse. Mécontente d’entendre sa fille discuter avec le rémouleur, l’aubergiste lui ordonne de rentrer. Une fois à l’intérieur, la mère frappe sa fille et la fait pleurer. A la fenêtre de sa chambre, la jeune fille demande au rémouleur de faire un pacte de sang pour sceller leur amour ; elle pose sa main mutilée sur la bouche du jeune homme qui se hisse ensuite dans la chambre.
Un visiteur (que l’on devine être le riche prétendant) frappe à la porte de l’auberge et entre. Après un tumulte, son corps est éjecté depuis la fenêtre de la chambre, des ciseaux plantés dans la poitrine.
Première représentation
Círculo de Bellas Artes
Éditions et traductions
Ramón del Valle‑Inclán, « Ligazón », La Novela Mundial, Madrid, Rivadeneyra, 26 août 1926, p. 3‑37.