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130 pages
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La Dernière Nuit de Don Juan
Commencé en 1911 mais laissé inachevé par l'auteur, ce "poème dramatique en deux parties et un prologue" a été publié à titre posthume. Selon les éditeurs, les deux parties étaient prêtes avant la Première guerre mondiale, mais le prologue a été reconstitué à partir de brouillons très raturés, et des indications scéniques ont été introduites pour clarifier le dialogue. La création posthume de la pièce, en 1922 au Théâtre de la Porte Saint-Martin, s'est faite au cours d'un "Spectacle Edmond Rostand" qui comprenait en première partie une reprise des Romanesques (1894), montrant ainsi au public "la pièce de jeunesse à côté de l'œuvre posthume; le premier et le dernier chaînon du collier que Cyrano porte en sautoir" (Jacques Théry, Le Figaro, 8 mars 1922).
La Dernière Nuit de Don Juan est destinée à être jouée par des acteurs, mais la représentation théâtrale se trouve mise en abyme par un spectacle de marionnettes à gaine, miroir tendu à Don Juan pour qu'il comprenne qu'il n'a jamais été qu'un Polichinelle. L'étude célèbre de Georges Gendarme de Bévotte, La Légende de Don Juan, Son évolution dans la littérature des origines au Romantisme (Paris: Hachette, 1906), a sans doute joué un rôle dans l'écriture du texte, comme le laisse supposer la variété des allusions aux versions de Tirso de Molina, de Molière, de Da Ponte ou de Byron.
L'orgueilleux puni
Le Prologue commence là où la pièce de Molière s'achève: descendant avec la Statue du Commandeur le long escalier qui le mène aux Enfers, Don Juan entend le cri "Mes gages!" de Sganarelle, remonte donner un coup de pied à son serviteur, puis reprend sa descente. Surprise par son courage, la Statue du Commandeur propose de lui rendre la vie, mais la Griffe du Diable retient Don Juan par un pan de son habit. Don Juan obtient cependant dix ans de vie supplémentaire en proposant un pacte à la Griffe: pendant ces années de vie supplémentaires, il continuera de corrompre des femmes et de faire de nouvelles victimes.
Dix ans plus tard, le délai est près de s'achever. Don Juan, qui vit à Venise, croit que le Diable l'a oublié et se prépare à dîner puis sortir. Un marionnettiste passe dans la rue, qu'il invite à monter chez lui pour donner son spectacle. Depuis son castelet, la marionnette de Polichinelle dialogue avec Don Juan qui se souvient des spectacles de son enfance. Elle tue Pierrot, Cassandre, se fait mordre par le chien, puis tente de séduire une Poupée en profitant des conseils de Don Juan, et finalement la tue. Don Juan demande de couper des scènes pour arriver à celle où le Diable emmène Polichinelle, puis il provoque la marionnette du Diable en lui affirmant que lui n'aurait pas peur d'être emporté par le Diable. Le marionnettiste sort de son castelet et se révèle être le Diable qui s'attable avec Don Juan pour dîner avec lui. Don Juan s'exalte au souvenir de ses conquêtes, puis réclame à Sganarelle la liste de celles-ci, qu'il déchire. Se changeant en violoniste, le Diable fait danser les morceaux de papier déchirés, et les Ombres des mille et trois femmes séduites par Don Juan arrivent en gondoles. Le Diable met au défi Don Juan de reconnaître chacune d'elles, mais il se trompe à chaque fois.
Don Juan, qui croyait avoir séduit et possédé toutes ces femmes, découvre qu'elles ont fait de lui ce qu'elles voulaient, et que même les larmes qu'elles ont pleurées à cause de lui étaient fausses. Il revendique ses victoires mais se voit reprocher de n'en avoir rien fait et de n'avoir pas su aimer. En désespoir de cause, Don Juan rappelle la grandeur de sa provocation lorsqu'il donna une pièce au Pauvre "pour l'amour de l'humanité", mais le Diable fait apparaître le Pauvre qui lui jette sa pièce au visage et lui interdit de prétendre avoir incarné une quelconque révolte. Le Diable démontre à Don Juan qu'il n'a été mû que par la paillardise, comme un Polichinelle, et le condamne non pas aux flammes de l'Enfer, que réclame avec orgueil le séducteur, mais à devenir une marionnette dans un castelet.
Première représentation
Théâtre de la Porte Saint-Martin
Éditions et traductions
Edmond Rostand, La Dernière Nuit de Don Juan. Paris: Fasquelle, 1921.
Edmond Rostand, Théâtre. Paris: Omnibus, 2006.