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14 pages
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Retablillo de don Cristóbal
Farsa para guiñol
C’est en 1930, huit ans après la rédaction de sa Tragicomedia de don Cristóbal y la señá Rosita, que Federico García Lorca décide d’écrire une nouvelle version des aventures de don Cristóbal. En 1934, lors de son voyage en Argentine, il emporte le manuscrit et fait représenter une première version de la pièce comme l’indique le programme « Première représentation de l’aleluya (estampe) populaire inspirée du vieux et effronté guiñol andalou, intitulée Retablillo de don Cristóbal y doña Rosita. Écrite spécialement pour cette représentation par Federico García Lorca. »
Fidèle à la tradition du théâtre de marionnettes, fondé depuis toujours sur la prépondérance de la transmission orale, le dramaturge adapta son texte aux circonstances de cette représentation en Argentine, en y incluant des références explicites aux personnes qu’il y côtoyait ou aux figures locales qui se trouvaient dans la salle. Cette version de la pièce est publiée dans l’édition des œuvres complètes de Lorca dirigée par Miguel García-Posada (vol. II, Galaxia Gutemberg/Círculo de Lectores, Barcelone, 1997). Par ailleurs, les témoins de l’époque confirment tous que c’est Lorca qui interprétait le rôle et manipulait la marionnette du Poète, interpelé directement par don Cristóbal dans la salutation au public qui introduisait le spectacle.
De retour en Espagne, le dramaturge reprit ce texte pour plusieurs représentations organisées en 1934-35, en y apportant des variations. Signalons particulièrement les représentations de la compagnie de marionnettes La Tarumba, de Miguel Prieto, en 1935, qui devaient très probablement s’appuyer sur le texte définitif de la pièce, où les versions antérieures se trouvent épurées et condensées. Lors de ces représentations, Lorca participait à nouveau à la manipulation des marionnettes et introduisait lui-même la pièce dans le prologue, en tant qu’Auteur. Par ailleurs, comme à son habitude, Lorca s’entoura de plusieurs amis artistes parmi les plus importants de sa génération et qui, pour certains, collaborèrent également aux mises en scène de La Barraca : les têtes des marionnettes étaient l’œuvre du sculpteur Ángel Ferrant ; le cadre de scène et les costumes étaient ceux créés par Manuel Fontanals en 1934 pour la représentation de Buenos Aires et les décors furent peints par Miguel Prieto et José Caballero.
La version ici décrite est celle jouée par La Tarumba en 1935-1937.
Un vieil homme épouse une jeune fille qui le trompe
L'Auteur (joué par un acteur) introduit la pièce en rappelant les origines populaires de cette farce pour marionnettes à gaine. Puis, le Poète, une marionnette, présente les deux protagonistes de l’histoire : doña Rosita mariée à don Cristóbal. Le Director (metteur en scène, joué également par un acteur) apparaît alors pour rappeler au Poète qu’il doit respecter le texte à la lettre ; puis il vérifie que les deux protagonistes sont bien présents en coulisses et, finalement, don Cristóbal fait son apparition.
Don Cristóbal veut se marier et, pour gagner de l’argent, se fait médecin. Pour soigner un Malade qui a mal au cou, il lui donne des coups de bâton ; à chaque coup, le cou s’allonge à tel point que le Malade meurt. Mais don Cristóbal est arrivé à ses fins : il a l’argent qu’il lui fallait.
La Mère de doña Rosita vante les attributs érotiques de sa fille, ce qui éveille l’appétit de don Cristóbal. À l’issue d’âpres négociations, le mariage entre don Cristóbal et doña Rosita est conclu tandis que Rosita clame son désir sur les toits. Les trois personnages partent pour le mariage.
Le Poète revient, critique le rôle donné aux deux protagonistes et le Director doit, de nouveau, le rappeler à l’ordre.
Une fois mariés, don Cristóbal et doña Rosita entament un jeu érotique et grotesque. Mais don Cristóbal, qui a beaucoup bu, est gagné par le sommeil et sa jeune épouse lui conseille de faire une sieste. Pendant que don Cristóbal dort en ronflant, Currito entre ; il enlace Rosita et tous deux échangent de bruyants baisers. Cela réveille don Cristóbal qui demande à Rosita ce qu’il se passe ; celle-ci lui donne une explication saugrenue et lui conseille de se rendormir. La scène se répète avec le Poète et avec le Malade. Don Cristóbal se réveille pour de bon et menace Rosita. La Mère annonce la venue du médecin car Rosita a mal au ventre. Tandis qu’en hors-scène, on l’entend crier, le Metteur en scène annonce au mari que son épouse a mis au monde quatre bébés. Don Cristóbal demande à la Mère qui est le père. À chaque enfant qui naît, la Mère reçoit des coups de bâton. Au cinquième enfant, don Cristóbal se déchaîne sur la Mère, qui meurt. Puis, alors qu’il s’apprête à infliger le même sort à Rosita, le Director attrape toutes les marionnettes et les montre au public.
La représentation termine par quelques réflexions sur la saveur populaire des farces andalouses et sur don Cristóbal, cousin de la tía Norica, de Guignol et d’Arlequin.
Première représentation
Teatro Avenida, Buenos Aires (dans l'entrée du théâtre)
Éditions et traductions
Federico García Lorca, Obras completas (t. 1). Buenos Aires: Losada, 1938
Federico García Lorca, Teatro completo. Barcelona : Galaxia Gutenberg, 2016
Federico García Lorca, Œuvres complètes, trad. André Belamich, vol. 2. Paris: Gallimard, 1990.
(Français)Federico García Lorca, Little Picture of Don Cristobal. Translated by Anne K. Blodgett and Marion L. Miller. New York: Ithaca. 1990.
(Anglais)