
Imprimé
75 pages
Auteur(s)
D'un diable qui prêcha merveilles
L'édition de la pièce est précédée d'un "salutaire avis du montreur de marionnettes" (Ghelderode lui-même) dans lequel celui-ci défend la dimension morale de sa pièce, malgré tous les personnages immoraux qu'elle met en scène. L'action se déroule en Flandre au 15e siècle, dans la ville imaginaire de Brugelmonde-sur-le-Zwijn (zwijn signifiant 'porc' en flamand). Plusieurs indices (la cathédrale San Salvador / Saint Sauveur, le lac du Minnewater) permettent de reconnaître Bruges sous ce nom.
La pièce est datée par l'auteur de 1934 mais elle a été achevée en 1936.
Un diable se fait passer pour un moine puis devient son ami
La sorcière Fergerite est à la recherche de son amant le Chevalier Capricant, un diable. Elle rencontre le veilleur Lamprido, un ivrogne amoureux d'elle mais qui ne la reconnaît pas et qu'elle chasse. Entrent alors l'évêque Breedmaag, extraordinairement gras, et l'aumônier Dom Vispoel, très maigre mais affublé d'un énorme ventre formé par le produit des aumônes qu'il cache sous ses vêtements: tous deux vont à l'église pour entendre un envoyé du pape venu dénoncer les vices de la ville. Ils sont suivis par des notables et des bourgeois qui vont eux aussi écouter le prédicateur: sur le chemin de l'église, ils racontent leurs crimes, leurs délits et leurs mauvaises actions qu'ils craignent de voir publiquement dénoncés. Déguisée en mendiante, Fergerite menace chacun d'eux des tourments de l'Enfer s'ils ne lui font pas l'aumône.
Le Chevalier Capricant apparaît et Fergerite le convainc de se faire passer pour le prédicateur. Tandis qu'il se rend à l'église et que la sorcière se réjouit d'avoir retrouvé son amant, Bashuiljus, le véritable prédicateur, la découvre. Comme il ne sait pas où se trouve la cathédrale où il doit prêcher, Fergerite l'oriente vers une autre église. Bashuiljus déclare que s'il trouve un seul juste dans Brugelmonde, il demandera à Dieu d'épargner la ville.
Dans la cathédrale, le Chevalier Capricant, déguisé en moine, rassure la foule en lui disant que ce sont des villes jalouses de la prospérité de Brugelmonde qui ont fait croire au pape qu'elle était un repaire de pêcheurs. Il flatte les habitants, leur raconte son enfance et ses aventures invraisemblables, étrangle Fergerite qui voulait dévoiler sa queue fourchue, et conclut son sermon sous les ovations de la foule.
Le soir venu, toute la ville est en fête et le veilleur Lamprido a tant bu qu'il ne peut plus sonner les heures. Fergerite et le Chevalier Capricant, toujours déguisé en moine, se disputent dans la rue parce que la sorcière, excitée par le déguisement de Capricant, veut faire l'amour avec lui tout de suite. Ils se donnent rendez-vous dans une auberge. Bashuiljus entre en scène, les vêtements déchirés et souillés: il n'a pas pu trouver de juste dans la ville. Il se dispute avec Lamprido, qui prétend être juste, et l'assomme avant de sombrer lui-même dans le sommeil. Le Chevalier Capricant revient, se félicitant d'avoir enfermé Fergerite dans le grenier de l'auberge. Bashuiljus se réveille et découvre Capricant qui faisait semblant de prier pour lui. Il le prend pour un juste. Capricant lui raconte sa vie, Bashuilhus lui expose comment, n'ayant pas pu entrer dans la cathédrale, il a cherché à donner l'alerte mais s'est fait battre par des gens du peuple. Fergerite reparaît, veut dénoncer Capricant, mais Bashuilhus l'assomme et Capricant la confie inanimée à Lamprido. Les deux moines, le vrai et le faux, sympathisent et partent ensemble pour Rome.
Première représentation
Groupe Ratures, mise en scène Alain Wolfsen
Publications et traductions
Michel de Ghelderode, Théâtre complet II. Bruxelles: Éditions du Houblon, 1942
Michel de Ghelderode, Théâtre III. Paris : Gallimard, 1953