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Le Tombeau des imposteurs et l'Inauguration du Temple de la Vérité
Le Tombeau des imposteurs est une des rares pièces publiées pendant la Révolution française où apparaissent des marionnettes. Léonard Bourdon, homme politique et révolutionnaire, collabore avec Plancher-Valcour et Pierre-Louis Moline, dramaturges de théâtre et d'opéra, pour écrire cette "Sansculottide dramatique". Le texte est précédé d'une "épitre dédicatoire" adressée au pape Pie VI qui dénonce la richesse de l'Église et les abus du Clergé, coupable "de viols, d'assassinats, d'empoisonnements, et de crimes encore plus affreux".
Le Tombeau des imposteurs paraît en 1793, soit quatre ans après la prise de la Bastille par les révolutionnaires (les "Sans-culottes"), et un an après le début de la Première République. Les années 1793 et 1794 marquent un tournant dans la relation entre l'Église catholique et l'État : ce sont celles de la "déchristianisation" qui voient notamment la fermeture des édifices religieux, des destructions et des confiscations de biens du Clergé, événements dont il est directement question dans le texte.
La pièce est toutefois victime des hésitations des révolutionnaires dans ce domaine. En décembre 1793, le Comité de Salut Public, "voulant faire respecter le décret rendu le 16 frimaire, par la Convention nationale, pour maintenir la paix et la liberté des cultes", en fait interdire les représentations données à l'Opéra, au motif que "les accompagnements et les chœurs mettaient tout en œuvre pour ridiculiser" la représentation de la messe (Le Républicain français, 29 décembre 1793).
Dans cet opéra-comique en trois actes, le marionnettiste Brioché (désigné dans la liste des personnages en tant que "Charlatan") s'associe à un Chansonnier pour faire chanter à ses marionnettes des couplets anticléricaux et révolutionnaires.
Le personnage de Brioché renvoie à la dynastie des Datelin qui, sous le nom d'artiste de Brioché, furent pendant cinq générations, au 17e siècle principalement, les marionnettistes les plus célèbres à Paris. L'un de leurs personnages principaux était Polichinelle qu'on retrouve ici. Il n'est cependant plus mention d'un Brioché marionnettiste à l'époque révolutionnaire.
Les révolutionnaires triomphent de la religion
L'acte I se déroule dans une église où se font face un groupe de Dévotes et une troupe de Sans-culottes. Les révolutionnaires veulent punir les prêtres de Paris pour leurs abus et leurs crimes. De leur côté, les Dévotes et des prêtres attendent avec impatience qu'une armée catholique envahisse Paris pour mettre fin à la Révolution.
L'abbé Blondinet, qui se cache sous un habit bourgeois, tente d'abuser de Rose, une très jeune fille qui réussit à s'échapper. Les Sans-culottes veulent chasser les prêtres. Un Magistrat arrive pour confisquer le mobilier de l'église, mais Blondinet assure aux Dévotes qu'il a pu mettre à l’abri une partie de celui-ci.
L'acte II se passe sur le devant de l'église sur une place publique. Blondinet a installé une "Chapelle Provisoire" dans la boutique d'un Savetier, à côté de celle d'une Fruitière. Un Chansonnier et sa femme arrivent sur la place, les citoyens s'approchent pour écouter leurs chansons. Un marionnettiste, Brioché, les rejoint avec sa femme et présente sa pièce d'un "genre nouveau", La Calotte au tombeau. Ensemble, le marionnettiste et le Chansonnier dénoncent avec marionnettes et chansons les abus du Clergé. Les Sans-culottes sortent de l'église avec un brancard, jouant une scène d'enterrement symbolique pour les objets du culte. Un enfant de chœur, Cascaret, dénonce le vol de Blondinet. Les Sans-culottes l'emmènent ainsi que les Dévotes pour être jugés par le Comité de Salut Public.
L'acte III se passe dans une caverne où sont affichés trois tableaux transparents, La Saint Barthélémy, Le Massacre des Cévennes et Les Vêpres Siciliennes. Debout sur un tas d'ossements, la Superstition, le Célibat et le Fanatisme font leur apparition enchainés à des poteaux. L'action prend une forme allégorique avec ces trois figures monstrueuses et plusieurs autres symboles des crimes dus à l'intolérance religieuse, avec plusieurs allusions à l'opéra de Christoph Willibald, Orphée et Eurydice.
Appelée par le Génie de la France arrivant sur un nuage, l'Ombre du révolutionnaire Marat (assassiné en juillet 1793) sort de terre, entourée d'un linceul sanglant. Les trois monstres disparaissent dans un volcan, laissent place à un somptueux Temple de la Vérité, lumineux, avec un autel où sont placés la Liberté, la Vérité et l'Égalité, la Troupe de Sans-culottes qui danse et un Magistrat du peuple.
Le Peuple, les Orphelins de la Patrie, les Députés de la Convention nationale et les Artisans font une marche triomphale. Le Président de la Convention lit un discours d'éloge aux révolutionnaires. Un Évêque reconnait ses erreurs et, après avoir fait l'éloge de la Raison, brûle ses vêtements sacerdotaux. Les Orphelins et les Orphelines des victimes du fanatisme et des défenseurs de la patrie chantent à leur tour et font plusieurs exercices gymniques. Les Citoyens de la première réquisition présentent des exercices militaires qui mettent en comparaison des scènes de l'Antiquité et de la Révolution. La pièce s'achève avec un hymne à la Vérité, une évocation de la victoire sur les Autrichiens et les émigrés, puis un ballet général.
Première représentation
Opéra, salle de la rue de Richelieu
Éditions et traductions
Le Tombeau des imposteurs et l'Inauguration du Temple de la Vérité. Paris: Imprimerie des 86 Départemens, an II (1793).