Imprimé
90 pages
Auteur(s)
Il Costantino Pio
En 1708, Ottoboni fait construire, dans son palais de la Chancellerie, un théâtre d’une grande magnificence imaginé par Juvarra et Pellegrini et pourvu de cent vingt-sept décors. Ottoboni ouvre la saison 1710 de son "teatrino ad uso di pupazzi" avec Il Costantino pio, qui sera suivi, les deux années suivantes, de Teodosio il Giovane et de Ciro. D’après les témoignages, les marionnettes extrêmement coûteuses sont des figures de carton ou de bois "de près de quatre pieds de hauteur" et très ressemblantes à des comédiens naturels. Elles se meuvent sur des glissières en bois et sont actionnées depuis les dessous de la scène par un système de contrepoids.
Pour ses spectacles, Ottoboni engage les meilleurs musiciens de Rome : Il Costantino pio est représenté sur une musique de Carlo Francesco Pollarolo dans une scénographie de Juvarra, et rencontre un très vif succès. Le spectacle est loué pour la somptuosité de ses décors qui ressuscitent la Rome antique et dont le caractère architectural convient bien à Juvarra. Sans doute inspirée par le Maximian de Thomas Corneille (1662), la pièce s’articule selon une double modalité spectaculaire et édifiante: cette veine s’exprime par la machine somptueuse portant la figure allégorique de la Religion sur un nuage en ouverture de la pièce, permettant l'épiphanie de la Sainte Croix (I,1). On la retrouve dans le cortège triomphal entourant le char tiré par des esclaves qui porte Costantino au coeur de l’Acte I, ou lors du finale qui fait apparaître la Foi installée sur son trône lumineux. Les didascalies indiquant que Costantino descend de cheval ou qu'il est aux prises avec les conjurés témoignent de la virtuosité de la manipulation des pupazzi. Le personnage de Planco, seul vestige d’un personnel comique, prolonge une inspiration baroque discrète, comme la présence d’un personnage costumé en la personne de Licinio. Outre les nombreux changements de décor, la pièce comporte des passages choraux, mais aussi des intermèdes dansés, pour clôturer les deux premiers actes (ballet des Amours et ballet des Bergers et des Masques).
La pièce est réimprimée en 1730 et présentée alors comme une "festa teatrale" offerte au Roi et à la Reine de France en l’honneur de la naissance du Dauphin: le livret porte le nom d'un autre compositeur, le vénitien Giovanni Battista Pescetti. Toutes les mentions de machines ont disparu de ce livret et les passages allégoriques en ont été gommés.
Un homme renverse l'usurpateur
La pièce s’ouvre sur les rives du Tibre, où Costantino (Constantin) s’apprête à combattre l’injuste usurpateur Massenzio, fils de Massimiano à qui il a ravi la couronne; le Ciel s'ouvre, et la Religion apparaît pour annoncer à Costantino sa victoire. Costantino promet la vengeance à sa sœur Costanza, trahie par Licinio qui devait l’épouser pour la faire monter sur le trône d’Orient, mais s’est rallié aux adversaires. Dans Rome, Arsace transmet à Massimiano les propositions de paix de Costantino, refusées par Massenzio. Fausta, la fille de Massimiano, annonce la défaite de son frère: son père lui demande de prêter allégeance au vainqueur. Arsace, que l’on croyait amoureux de Fausta, révèle qu’il ne peut l’aimer pour des raisons obscures. Après un défilé triomphal où l'Empereur légitime est accompagné du char de la Renommée tiré par des chevaux ailés, la Fama (la Renommée) promet la victoire à Costantino. Lorsque ce dernier s’adresse aux Romains pour leur apporter la paix, Fausta se jette à ses pieds et en tombe amoureuse. Dans le cortège, Planco, le serviteur de Costanza en quête de Licinio, reconnaît en Arsace le futur époux de sa maîtresse grâce à un portrait. Costanza, qui se croit trahie par Licinio, lui promet la vengeance.
Informée par Planco, Costanza feint de n’avoir pas reconnu Licinio pour éprouver l’ampleur de sa trahison. Vaincu par l’amour, Licinio se révèle à elle et parvient à se concilier ses faveurs: elle lui suggère de demeurer dissimulé avant qu’elle ne s’assure de la mansuétude de son frère. Drusilla apprend par Planco que Costantino n’a plus de femme, et qu’il est donc disponible pour l’amour de Fausta. Mais Massimiliano, en proie au désespoir, demande à sa fille de venger la mort de son frère en entraînant Costantino dans un guet-apens où Arsace le mettra à mort: il promet ensuite d’unir sa fille au meurtrier. Fausta refuse et Costantino la trouve pleurant: comme il émet le souhait de voir tout le monde réuni autour de sa paix, elle lui apprend que son père s’est éloigné pour pleurer son chagrin. Il lui demande de l’escorter jusqu’à lui, insistant malgré ses mises en garde évasives. Dans la forêt, Massimiano attend Costantino en compagnie d’Arsace, qui tente de le convertir à la paix, sans succès. Costantino, qui arrive en compagnie de Fausta, attire le roi déchu pour l’embrasser et se retrouve cerné de conjurés. Arsace intervient pour le sauver, tout comme Fausta; Costantino, ne sachant qui croire dans cette situation embrouillée, fait envoyer les trois suspects en prison.
Alors qu’il tente de découvrir les coupables, Costantino se réconcilie avec Arsace en qui il reconnaît Licinio. Pourtant, Costanza, persuadée que son époux l’a trahie en compagnie de sa maîtresse Fausta, réclame sa mort. C’est Drusilla qui, en annonçant que Massimiano menace sa propre fille pour la punir d’avoir sauvé Costantino, fait émerger la vérité aux yeux de Costanza. Fausta s’enfuit dans la forêt, à la recherche son père devenu fou: elle parvient à le maîtriser, puis s’accuse auprès de Costantino. Dans les souterrains du palais, Arsace est en prison, où Costanza vient le retrouver. Soupçonnant un rendez-vous entre les conjurés Arsace et Fausta, Costantino les surprend: c’est Costanza qui, sortant de prison, se jette à ses pieds pour lui révéler la vérité. Dans la scène finale, Costantino accompagné d’un cortège célèbre la paix et renonce à se venger: la pièce se termine par deux mariages, tandis que l’on apprend la fuite de Massimiano. Apparaît alors la Foi, entourée des Arts libéraux.
Première représentation
Teatro della Cancelleria
Éditions et traductions
Antonio de'Rossi
Nicola Badolato, «All’occhio, all’udito ed al pensiero», Gli allestimenti operistici romani di Filippo Juvarra per Pietro Ottoboni e Maria Casimira di Polonia, Turin, Fondazione 1563 per l'arte e la cultura della Compagnia di San Paolo, 2016